Le Premier Empereur Draconique et l'Exode des Peuples

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    Eddy
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    « Le Premier Empereur Draconique et l’Exode des Peuples »

    Récit de la naissance de Lungora, par Shinari Raigara, Première Impératrice de l’Empire Lungorian

     

     

      I – Le Commencement

     

    À l’origine de tout, un continent, un océan, tout un écosystème qui évolue. Les êtres vivants et la végétation se développent… Et les Dragons font alors leur apparition.

    Le Dragon est une créature intelligente. Très vite, certains d’entre eux développeront leur potentiel intellectuel et le mettront au service de l’organisation de leur société. Nous les appellerons les Dragons de l’Origine.

    Les Dragons de l’Origine sont particuliers; Bipèdes, ils possèdent les caractéristiques d’un dragon classique: Deux membres supérieurs, deux membres inférieurs, ainsi que des ailes, grâce à leur formidable capacité de génération des membres héritée de leurs ancêtres les reptiles. Toutefois, les Dragons de l’Origine seront les seuls à se déplacer sur leurs pattes arrière, ce qui au fil des siècles, rendra leurs pattes arrières plus musclées que les avant.

    Avec le temps, ils deviendront plus petits que leurs cousins les Dragons-Sires, plus grands, simples, rustres et agressifs, qui prendront eux la route de l’isolement, et lutteront jusqu’à nos jours pour leur survie sur Nyrheim, décidant de suivre la voie qu’ils jugent juste, refusant de profiter du don d’intelligence que la nature leur aura prodigué, par peur que la nature ne se retourne un jour contre eux et ne récupère ce qu’elle leur aura donné. Ils vivront de façon isolée, tels des prédateurs sur de petits territoires, sans organisation ni société au-delà de la famille, comme les simples animaux qu’ils souhaitent être. Ainsi, ils suivent également le cours de la migration, et il est arrivé qu’ils quittent le continent pour partir à l’exploration par-delà les mers.

    Contrairement aux Dragons-Sires, sauvages et indomptés, les premiers Dragons de l’Origine décideront de s’installer sur les terres de leur naissance, qu’ils nomment Lungora, et de s’y sédentariser. Ils cesseront également de se nourrir de créatures inférieures à eux, et s’adapteront au fil des années pour développer un régime omnivore, bien qu’ils ne continuent de nourrir une préférence pour la chair fraîche, ce qu’ils n’auront l’occasion de déguster qu’en de rares occasions, lorsqu’ils seront invités par la civilisation avancée des nains qui leur vouent un grand respect, ou plus tard lors de l’apparition de l’humain, qui chassera en leur nom.

     

      II – Le Règne des Dragons sur Nyrheim

     

    Sans roi ni maître, ces frères et sœurs qui s’entraident et vivent en paix ne sont alors pas nombreux; Une centaine tout au plus. Mais ils parviennent à se regrouper en villages soudés les uns aux autres par l’amitié et la discipline. Ils vivent en harmonie avec la nature, et apprennent même à dialoguer avec certaines espèces inférieures auxquelles ils se lient et transmettent leur intelligence, comme les pandas qui deviendront à cette époque les Pandaran, avant de connaître leur exode vers les terres de Dal’Hagar.
    Les villages draconiques sont pittoresques et regroupent une vingtaine d’entre eux. Les fondations de leurs nids, semblables à des teepees d’une trentaine de mètres de haut, sont faites d’ossements de Dragons, car selon leur tradition, c’est ainsi que leurs ancêtres verront leurs enfants évoluer, et continueront de les protéger. Se servant de matériaux naturels dans la mesure du nécessaire (rochers divers, troncs de pins variés, feuillages d’arbres, maintenu par les ossements anciens et résistants) ces huttes abritent des familles de trois dragons, tout au plus, et résistent à la plupart des intempéries.

    Le Dragon possède un grand savoir des arts et du travail, manuel comme intellectuel. Par ailleurs, les dragons qui donnent la priorité à ces tâches voient au fil des siècles leurs ailes s’atrophier de par leur inutilité lors de la composition d’un chant ou la sculpture d’un puits. Chacun a sa place et sa fonction, qui est définie dès la naissance par le Père et la Mère du petit. C’est une société heureuse et organisée, qui a su par l’enseignement de ses ancêtres surpasser l’émotion et a appris à se contrôler, à chercher une solution, et à prévenir de tous les dangers qui lui ont fait affront avec le temps. Une espèce qui a formidablement évolué.

    L’économie est particulière: Il n’y a pas d’argent, ou de troc. Le seul échange, c’est l’échange du cœur. Et dans ce monde, le métier de Messager est reconnu : En cas de problème, la famille qui reçoit son message portera immédiatement son soutien à la famille qui a reçu la visite du messager. Les Dragons sont des créatures très loyales, pour qui l’honneur et la reconnaissance sont les plus grandes des valeurs. On peut parler d’eux en général, car ils sont tous semblables. Ils ne cherchent pas à être uniques ou rares. On peut parfois même voir un échange de pierres rares, dont les Dragons raffolent, ce qui montre un lien très fort entre deux Dragons.
    Le Saphir symbolise la Paix, et la Prospérité. Le Rubis, la Passion, et la Force. L’Emeraude, la Loyauté, et l’Honneur. Le Diamant, la Pureté, et l’Honnêteté. Pour les Dragons, chacune de ces pierres a un sens singulier qu’ils tiennent à cœur. Ce sont généralement des pierres gardées de génération en génération, et parfois données d’une famille à une autre pour symboliser leur union forte. Il n’y a pas une seule famille qui pourrait penser faire du chantage avec, ou aller jusqu’à voler ou tromper, pour en faire collection. L’Exil n’a ainsi pas lieu d’être.

     

      III – L’Avènement du Prophète

     

    Eh bien, un certain jeune Dragonnet est Messager. Il s’est déjà fait connaître à travers le pays pour avoir parcouru les quatre coins du territoire draconique. Il y aurait répandu une admiration, pour ses valeurs et son sens aigu de l’amour et du sacrifice. Ses parents l’ont nommé Ryukun, Messager Draconique. C’est un petit Dragonnet enthousiaste fasciné par les contes draconiques ancestraux que son Père lui racontait régulièrement. Il a ainsi appris combien l’amour, l’amitié, toutes ces valeurs simples, sont importantes, et ne doivent jamais cesser d’exister.
    Chez les Dragons, on ne conte pas la légende d’un Héros magnifiquement parfait, on conte l’histoire d’un Exilé, pour que les plus petits prennent conscience de l’erreur avant de l’avoir commise.

    Ryukun suit parfaitement la voie que ses ancêtres lui ont tracé. Sa curiosité n’a jamais été suscitée, puisqu’on lui a toujours tout expliqué, bien et mal. Ce petit Dragonnet a alors la cinquantaine, ce qui correspondrait à un humain à l’adolescence. Il a proposé à plusieurs familles de mettre en place d’autres instances inédites. Il va être acclamé pour ses idéaux, et placé sous la tutelle d’un bien vieux Dragon, âgé de déjà plus de deux siècles.
    Il vit en tant que Grand-père d’une famille, et est le plus grand conteur d’aventures. C’est le doyen des Dragons. On le connaît pour sa sagesse et son savoir. Et on le nomme Ryukal.
    Ryukal apprendra à Ryukun tout ce qui lui reste à savoir, pour suite à là décision de son peuple, être le premier Empereur Draconique. Cela fait alors 800 ans qu’existe le Dragon. Et c’est seulement alors que ce peuple trouva son premier Guide.

    Alors que le Dragon est à son apogée, que les rumeurs au sujet de Ryukun se répandent et qu’on lui demande ses enseignements – quand son métier de Messager ne l’occupe pas trop – une nouvelle espèce fait son apparition. Le peuple tout entier a un mauvais pressentiment, et fuit ce qu’on appelle l’Humain. Il apparaît un peu partout sur le continent, et Ryukun comprend vite que son nombre, son intelligence, et sa capacité à s’adapter pourrait bien menacer son peuple.

     

      IV – La Naissance du Peuple Humain

     

    Ryukun savait que d’autres races existaient déjà. Il avait eu quelques rares contacts avec les Elfes, qui lui accordaient une certaine forme de respect. Mais il avait très bien compris que ces-derniers étaient une civilisation déjà largement avancée, maîtrisant les flux de la Mana et bien capables de se défendre d’eux-même. De plus, ils habitaient une forêt assez éloignée du territoire de Lungora.

    De leur côté, les nains n’étaient jamais bien loin des montagnes, omniprésentes sur le territoire des dragons. Mais ils connaissaient la menace que représentait les Dragons-Sires; Aussi s’en étaient-ils attirés les faveurs de certains, apprenant certains secrets draconiques. Naturellement, les nains que Ryukun croisa accordèrent aux Dragons de l’Origine un respect d’autant plus grand, et il fût régulièrement invité à partager leurs festins dans les grands halls des immenses cités sous-terraines.

    Il comprit rapidement par les parents qui accompagnaient certains de ces humains qu’ils n’étaient autre que les enfants de parias d’une race et de l’autre, fils de nains et d’elfes, abandonnés à leur propre sort sans la protection d’une meute pour faire face aux autres prédateurs et aux menaces extérieures.

    Aussi, n’était-il pas d’avis à la guerre. Plus que les autres encore, Ryukun haït la haine. On l’assimile souvent au résultat de l’union des Quatre Pierres Sacrées. Avec un penchant pour la Paix du Saphir. D’ailleurs, il se doute que cette guerre pourrait ne jamais en finir, réalisant le potentiel des enfants d’une race maîtrisant les arcanes et d’une autre dotée d’une grande ingéniosité et d’une grande robustesse. Il préfère réunir les humains sous sa bannière, et les prendre sous son aile, au sens propre du terme, les réunissant, et leur proposant, après qu’ils aient acquis l’art de la communication, de suivre l’enseignement draconique et de choisir une des familles de son espèce, pour apprendre à leurs côtés tout le savoir draconique.

    Malgré leur scepticisme, les différentes familles draconiques finissent par accepter les humains comme leurs semblables; et c’est une longue période de merveilleuse coexistence, de prospérité, et de fraternité qui commence, symbolisée par l’usage régulier des dragons de la métamorphose – magie de prédilection des Dragons de l’Origine – pour prendre forme humaine.

    Pendant plusieurs siècles, on verra ces deux espèces coexister dans les règles draconiques, et sous l’œil attentif de Ryukun, les deux peuples ne feront qu’un. Mais… Ryukun pressent quelque chose. Ça ne vient pas des humains, ni des Dragons. Ça vient de quelque chose… Ou de quelqu’un de plus grand. Au-dessus de tout ce qu’il peut imaginer.

     

      V – La Prophétie

     

    Ryukun a le pressentiment que quelque chose d’horrible commence à se préparer. Il n’ose y croire. Il préfère essayer de se convaincre que son instinct commence à se faire vieux, avec 3 siècles d’existence, et lui joue des tours. Oui un tel rêve ne peut se finir ainsi. Ça n’a pas de sens…

    Mais ce sentiment se renforce. Plus les années, plus les mois, plus les minutes passent, plus ce sentiment se fait intense. Un sentiment angoissant, effrayant, une odeur de mort qui lui glace le sang par moments. Il comprend qu’il s’agit de plus qu’un mauvais rêve ou qu’une simple impression…

    C’est la réalité.

    Après avoir si longtemps guidé cette prospérité utopique, il perçoit enfin la véritable raison de son existence. Il s’isole de ses semblables, et gagne les pics du Mont Hakaru, une des montagnes les plus hautes du territoire draconique, pour méditer nuit après nuit.

    Un soir de pleine lune, son esprit parvint à transcender le temps et l’espace. Il vit tout. La vie, puis la mort de chaque être. En un instant, tout s’efface. Il vit juste le monde disparaître dans les flammes…

    Il se réveilla, en sursaut. Ryukal, son vieux maître, approcha, fébrilement.
    « Mon… Élève… Mon heure est… Venue.
    – Maître…
    – Tu dois… Savoir… Une… Dernière chose… Tous les jeunes… Les jeunes Dragons… Je les ai… Envoyés… Loin. Tu l’as… Aussi… Ressenti… N’est-ce pas?…
    – Oui Maître… Mais vous n’avez pas sauvé les autres espèces?
    – Je n’avais plus… Assez… De forces… Juste assez… Pour un portail… Vers… Un autre… Lungora…
    – Comment?!
    – Quelqu’un… Veut… Notre mort… A toutes les… Espèces… Mais… Ils… Ils n’auront pas… Nos jeunes…
    – C’est absurde! Vous auriez dû me prévenir! Nous aurions pu sauver tout le monde!
    – Non… C’est… Impossible… Tu ne peux… Tous… Les… Sauver… Mon élève… Je suis… Fier de toi…
    – Non! Maître! … »

    C’est ainsi que Ryukun perdit son maître. Les jeunes Dragons étaient alors en sécurité, et il avait emporté avec lui le secret du lieu où ils étaient cachés.
    Toutefois, lorsqu’il tomba au sol, un oeuf de dragon roula jusqu’à Ryukun. Il comprit qu’il s’agissait là du seul jeune Dragon de l’Origine qu’il restait. Il ou elle serait la clé pour retrouver le portail vers les autres jeunes.

    Après plusieurs jours de méditation, il inspira profondément, avant de lancer un rugissement assourdissant que tous pouvaient comprendre. Un rugissement qui pénétra les entrailles et qui donna la nausée, de la plus petite fourmi, au plus grand Dragon. Tous sortirent, à moitié endormis, mais angoissés.
    Toutes les espèces se réunissent alors au pied du Mont Hakaru, alors que le majestueux grand Dragon prend la parole, mettant fin aux chuchottements et aux spéculations de l’immense audience, qui parle de mille langues et autant de sons, imposant le silence par sa voix rauque résonnant dans toute la vallée…

    « – Ne posez pas de questions. Ne laissez pas votre curiosité prendre le dessus. Emportez des vivres, le nécessaire, et uniquement le nécessaire. Vous devez pénétrer les grottes du Mont Hakaru au plus vite. »

    Toute l’audience s’effraye et commence à paniquer, fourmillant de questions adressées à la fois à tous et à personne. Tous sont encore bien plus effrayés que Ryukun, d’habitude si serein, et si calme. Qu’est-ce qui pouvait bien l’angoisser ainsi pour qu’il demande à tous un départ si précipité?…

    Malgré le manque de précisions, tous s’exécutent, n’emportant que le strict nécessaire, chacun à sa façon, et gagnant les grottes de la plus haute montagne. Il n’y a alors pas plus d’une cinquantaine de Dragons de l’Origine encore vivants. Mais tous étaient frères et amis face au malheur qu’ils ne connaissaient même pas. C’est la seule période de l’Histoire de Nyrheim où l’on pouvait voir les agneaux et les renards rejoindre le Mont côte à côte sans aucun sentiment sauvage ou instinctif. C’est l’Exode.

    Au bout d’une semaine, toute la vie a atteint le gigantesque réseau de grottes au pied de la montagne, et s’y est installée, au sein de murs d’une architecture étrangère à toutes les créatures ici présentes, parfois parsemées d’étoiles aux couleurs vives, parfois de cordes aux embouts d’éclairs. L’humidité de l’air et des odeurs étrangères d’une autre dimension causaient le malaise de nombreuses créatures… Qui ressentaient d’autant plus d’angoisse dans cette situation, et qui commençaient à se méfier des prédateurs qui respiraient le même air qu’eux.
    Mais Ryukun invita toutes les espèces à garder leur calme. Il parvint à redonner un semblant de confiance à tous…

    Il disait qu’il pouvait falloir s’y réfugier une semaine tout au plus… Mais que cette semaine serait sûrement mouvementée… Aucun n’était rassuré. Il était trop dur pour Ryukun de seulement décrire ce qu’il avait vu dans son rêve prophétique. Il préféra, pour la première fois dans l’histoire des Dragons, laisser place à l’ignorance.

     

      VI – L’Apocalypse

     

    1 – La Tempête

    C’est à l’aube qu’apparaît quelque chose à l’horizon. On ne distingue encore pas bien ce dont il s’agit. On voit juste un soleil de plus en plus voilé derrière des nuages gris. Il finit par totalement disparaître. Puis, on voit des éclairs. On entend le tonnerre. Les enfants hurlent. Les mères rassurent de tout leur cœur, de toutes leurs ailes, de toutes leurs pattes, de tout leur amour. Les mâles fixent l’horizon tous prêts à affronter le danger et protéger leur famille.
    Ryukun les regarde et leur esquisse un sourire. « -Cessez de prendre votre rôle tant à cœur. Vous aussi, vous avez le droit à la peur. », leur dit le grand Dragon qui a alors repris sa sérénité et son calme légendaires. Ryukun garde l’entrée principale du réseau de grottes où se sont réfugiées plusieurs milliers d’espèces vivantes. Peu à peu, l’horizon se voile, et les nuages sont de plus en plus nets. C’est une tempête qui se prépare. Mais une tempête comme aucune autre auparavant. L’orage, la pluie, et les vents violents ont atteint le continent, et frappent de plein fouet de toutes parts de ce dernier.
    Les villages sont pour la plupart réduits en miettes, et les forêts couchées en grande partie. A l’abri, les Réfugiés contemplent avec horreur le spectacle de toute leur vie de dur labeur se faire anéantir en un éclair.
    Après quelques heures, la tempête s’apaise. Ils sont tous anéantis mais gardent espoir. Ils sont déjà prêts à travailler dur, et à rebâtir leurs villages. La peur de Ryukun était en effet justifiée. Un renne mâle s’avance, et s’apprête à regagner sa forêt. Mais… Ryukun dresse son aile devant lui, et lui empêche le passage. Ryukun hoche négativement de la tête au renne, qui force l’aile, et galope alors en direction de sa forêt. Ryukun baisse la tête… Et tout le monde le regarde, bouche-bée, ne comprenant pas. Il ne dit qu’un mot, les larmes aux yeux…

    « Patience… »

    Tous sont alors effrayés de comprendre. La famille du renne en particulier. Ils attendent… Angoissés comme jamais ils ne l’ont été…

    2 – La Vague

    Une fois la tempête totalement achevée, à l’horizon apparaît alors une vague, grandissant au fur et à mesure. On voit au loin le renne galoper à toute vitesse en direction du Mont. Le mur d’eau immense qui s’est dressé derrière lui pousse sa famille à courir vers lui, mais Ryukun les retient, tant bien que mal…

    Le renne court, à toute vitesse, la vague a gagné les plaines et s’est écrasée dans les villages, et ratrappe le renne, qui lui, continue de galoper aussi vite que ses pattes le lui permettent… Mais il est trop tard…
    Il se fait emporter par les vagues, et disparaît dans l’étendue bleue-noire. Sa femelle et son enfant sont stupéfaits et fondent en larmes.

    « -Pourquoi l’as-tu laissé passer, Ryukun?!
    -Si j’avais refusé le passage à tous, vous auriez perdu votre calme et m’auriez forcé la main…
    -C’est misérable de ta part d’en arriver là Ryukun… Pourquoi ne nous expliques-tu simplement pas ce que tu sais?!
    -Cela ne s’explique pas. Regardez ce qu’il advient à ceux qui se croient capable d’ignorer mes conseils… Je fais tout cela pour votre bien, attendez que je vous l’accorde pour quitter cette grotte… Je vous en conjure, mes frères et mes soeurs… »

    Ryukun cache sa souffrance et fixe l’horizon comme si de rien n’était, mais une larme parvient à briser son armure et à couler le long de sa mâchoire qu’il serre aussi fort qu’il ne souffre d’avoir ainsi sacrifié un de ceux qu’il était chargé de protéger…

    3 – La Canicule

    Alors que la mer se retire et regagne sa place, le soleil réapparaît d’entre les nuages, et se met à frapper le terrain vague que la mer a délaissé. Les rayons du soleil sont devenues des flammes. Le sol s’assèche, se craquelle, et laisse place à un paysage désertique semblable à l’idée que tous se faisaient de l’enfer.
    La sécheresse a commencé… La chaleur est insoutenable, et l’angoisse mêlée à cette oppressante température fait s’évanouir plus d’un réfugié. Ryukun ordonne à tous de boire un peu d’eau des sources de la montagne. Au milieu de l’effroi qui gagne petit à petit le cœur de chacun, et transforme ce qui leur a été appris en panique, la voix de Ryukun n’a de cesse de tenter de remettre de l’ordre et de leur rappeler dans quelle harmonie chacun a vécu jusqu’ici. Cette voix résonne dans le cœur de tous, et refait gagner à chacun un peu de sérénité et de confiance. Ils ont tous repris leurs instincts secondaires, et pensent à leurs semblables avant eux. Mais cette chaleur incroyable les pousse tous à bout, elle est longue, trop longue, voilà trois heures que le soleil brûle les plaines.

    Le soleil cesse enfin de brûler. On demande à Ryukun si tout cela est bientôt terminé, si ce n’est qu’un cauchemar, pourquoi le sort s’acharne ainsi sur eux. Il reste d’un silence de marbre, et continue de fixer l’horizon.

     

      VII – Shinari, la Fille du Prophète

     

    Aucun ne comprend pourquoi on leur a infligé un tel châtiment, eux qui vivaient dans l’harmonie et la prospérité la plus parfaite. Ryukun n’accuse aucune force divine ou secondaire, et avance que le destin est un courant contre lequel aucun ne peut courir, qu’il faut braver les épreuves qu’il dresse, et tenter de survivre, aussi longtemps que la Mana nous anime.
    Il leur rappelle qu’il y a des courants contre lesquels on peut courir, comme les courants de l’émotion, ou de la haine, mais que le flux d’énergie dans lequel tous évoluent, flux qu’on appelle la Mana, ne peut être parfaitement contrôlé, même par la volonté des plus grands, sans un terrible sacrifice.
    Suite à cette leçon de morale, Ryukun leva la tête, et médita quelques instants. Puis, en hâte, il ordonna à tous de gagner le dos d’un Dragon. Dès qu’un Dragon porte tout ce dont il est capable, il doit prendre son envol et rester dans les airs jusqu’à ce que Ryukun leur permette de regagner la terre ferme. Les dizaines de Dragons gagnent les nuages, chargeant vivres, humains, animaux des plaines, de la forêt, des montagnes, toutes sortes d’êtres vivants. Ryukun gagna en dernier les airs, s’assurant que plus personne n’était encore dans la Grotte. Il entendit alors quelques sanglots, tout au fond de celle-ci. Il circula, tant bien que mal de par sa taille, et trouva une petite fille. Elle devait avoir douze ou treize ans, tout au plus. La petite pleurait, et semblait délaissée de tous…

    « – Sniff…
    – Et bien alors, qu’y a-t-il ma grande?
    – Tout le monde est parti, je suis toute seule…
    – Ces larmes… Tu souffres. Si tu souffres, c’est mon devoir de t’apporter ce dont tu as besoin pour sécher ces larmes. Allez viens ma petite, monte. Tu n’es plus seule à présent. »

    La petite gardait le silence, alors qu’elle réalisait qu’elle parlait au roi de toutes les espèces, celui que tous suivaient aveuglément, une des âmes les plus pures que ce monde n’avait jamais engendré. Reprenant conscience de la proximité du danger, Ryukun reprit la parole…

    « – Peu importe, dépêche-toi, le temps presse, monte sur mon dos.
    – C’est vrai? Je peux?
    – Allez vite! »

    La petite fut la première et la dernière humaine à monter sur Ryukun. Ses larmes avaient séché devant cet honneur et devant la chaleur que Ryukun avait amené dans son cœur. Elle semblait avoir retrouvé le sourire, avoir retrouvé un ami, avoir retrouvé… Un peu d’amour, un sentiment simple que Ryukun s’était obligé de répandre.

     » -Je n’ai pas l’honneur de connaître le nom de cette grande fille. Qui es-tu?
    – Shinari…
    – Shinari comment?
    – Je n’ai jamais connu mes parents, ni mon nom véritable…
    – A ton âge? Voilà un sujet auquel il faudra que je réfléchisse quand tout cela sera terminé… Quand on se sera sortis de ce pétrin, j’organiserai un lieu pour les enfants comme toi.
    – Tu es trop ambitieux Ryukun… Tu veux le bien de trop de gens… Tu ne peux pas tous nous sauver du malheur…
    – Tous sont mes amis, et je souhaite leur bien, peu m’importe le prix. Est-ce réellement une erreur?
    -Je comprends pourquoi on t’a tellement admiré dans ton enfance…
    -Raigara.
    -Raigara?
    -Tu seras à présent Shinari Raigara. C’est ainsi que je te nomme, je te protégerai aussi longtemps que je vivrai, comme je protégerai chaque membre de chaque espèce de ce monde! Je te le promets! »

    La petite éclata en sanglots, mais de joie, pour la première fois de sa vie. Elle trouva son identité sur le dos d’un Dragon au milieu des nuages. Rares sont les enfants qui ont pu prétendre à une telle chance.

    4 – Le Séisme

    De là-haut, tous les Réfugiés observaient maintenant la terre trembler et se fissurer ça et là, les grottes où ils étaient encore quelques heures auparavant s’effondrer…

    Ryukun fit alors signe aux Dragons de regagner la terre ferme. Tous atterrirent, et on déchargea les vivres que chacun s’était partagé. Ryukun se posa à terre. Ils étaient… Au centre du continent. Au milieu des vestiges du village natal de Ryukun. Au centre de la terre qui les a accueilli pendant des siècles et des siècles. Il déposa la petite Shinari à terre. Il approcha un de ses confrères dragons, lui transmis un objet mystérieux avant de se retourner et de se montrer de dos… Puis, médita un instant, inspira un long moment avant de se retourner…

    « – Mes enfants, mes frères, vous tous! Le destin nous a joué un mauvais tour. C’est ici que je vais vous laisser. Écoutez et gardez en mémoire ces derniers mots. Ne cherchez pas à comprendre. Écoutez, simplement. J’ai le sentiment d’avoir en ce monde accompli tout ce que j’avais à accomplir. Alors que je me fais vieux et que j’en arrive à la fin de mon règne, ce flux qu’on appelle la Mana me demande un dernier sacrifice. Je souhaiterais que ce sacrifice ne soit pas vain et que vous en preniez l’exemple pour ne jamais oublier ces siècles d’harmonie que nous avons tous pu vivre, dans la difficulté comme dans la prospérité. Restez à jamais soudés, regardez autour de vous, le destin vous réserve bien assez de mauvaises surprises. Ne vous causez pas encore des problèmes les uns aux autres. Soyez plus sage que moi, mes enfants, et n’ayez jamais à payer du prix de votre personne la vie d’un être qui vous est cher…
    – Qu’est-ce que cela signifie, Ryukun?… Vas-tu nous laisser seuls face à la Vie ici?! Ne m’as tu pas dit que tu allais nous protéger aussi longtemps que tu vivras? N’as-tu-pas décidé de créer un lieu pour les enfants comme moi? N’as-tu pas promis de rester à mes côtés et de me protéger?…
    – Shinari, tu es un être pur. Tu dégages une aura forte, tu es l’union des Quatre Pierres, et ce n’est pas une simple rumeur comme il en a été le cas pour moi. Vous allez en avoir la preuve maintenant. Je dois maintenant m’en aller. Je compte sur chacun d’entre vous, et surtout sur toi, ma grande Shinari, pour perpétuer le souvenir de ce jour, et de tous mes projets…
    – RYUKUN!, éclata en sanglots la petite Shinari, qui venait alors de retomber dans le désespoir…
    – On se reverra. On se reverra, je vous le promets à tous. »
    – Sniff… Tu… Tu ne vas même pas nous laisser une chance de t’aider à te battre contre ton destin? C’est ce qu’on doit comprendre, Ryukun?!
    – … Adieu. »

     

      VIII – Pour Lungora

     

    Son adieu était accompagné de ses larmes. Lui aussi, n’avait jamais connu ce lien aussi fort qui unit deux êtres, qu’on appelle l’amitié. Mais il n’avait jamais cherché à le connaître. C’est ce qui lui donna foi en ce qu’il allait faire. Son sacrifice n’allait pas être vain.
    Ryukun se retourna, dos à ceux pour qui il comptait, il baissa la tête, essuya ses larmes, ferma les yeux, médita un instant, et releva la tête d’un coup brusque…

    Il prononça alors ces tous derniers mots:

    « – Je ne me suis pas battu… Non… Tous, ON ne s’est pas battus tout ce temps pour que tu détruises tout ce qu’on a construit ensemble jusqu’alors… Je ne verrai peut-être pas le futur de ce monde… Mais je refuse de voir ceux qui me sont chers mourir dans les flammes de l’enfer… Je ne permettrai pas ce futur que j’ai vu dans mes cauchemars! Nous refusons l’Apocalypse! »

    Une explosion assourdissante éclata alors au loin dans le ciel, et un rocher enflammé apparut. Ryukun déploya ses ailes, et commença à prendre son dernier envol. La flamme dans ses yeux n’avait pas perdu de son intensité, jamais jusqu’alors il n’avait connu un tel sentiment.
    Il ne voyait plus que son corps comme une force. Comme la force destinée à redonner goût à la vie, comme une force destinée à éradiquer les larmes de solitude et de tristesse qui l’ont revolté, il voyait tout son être comme… L’amour.

    Ces larmes de souffrance, de solitude, de tristesse de vivre… c’est ce qui le fit rentrer dans une rage incroyable.
    Il rugit comme jamais, et fonça sur cette menace inconnue, heurté de plein fouet par les débris de ce qui venait de pénétrer leur monde. Mais peu importait, il sauvrait Lungora. Il sauverait… Nyrheim.

    Il s’en suivit une lumière blanche intense, qui éblouit tous les Réfugiés alors à terre.

    (Deux chapitres manuscrits semblent avoir été ajoutés, signés Merline à la fin de l’ouvrage.)

     

      IX – La Dimension Blanche

     

    Ryukun fût alors transporté dans une dimension totalement vierge, où il vit le reflet de sa propre forme humaine, teinté d’un noir profond, siégeant sur un trône d’or, incrusté de diamants, d’émeraudes, de saphirs, et de rubis. A ses côtés, une femme encapuchonnée restait debout derrière lui, discrète. C’est alors que son ombre prit la parole de mille voix distinctes…

    « – Ryukun. Tu as bien agi. Cela fait maintenant de nombreux siècles que tu guides ces peuples vers l’harmonie et l’équilibre. Mais, le temps est venu.
    – Comment cela?!
    – Tu as tenu bon face aux épreuves du destin. Hélas, toute chose a une fin. L’heure de l’avènement de vos frères est venue.
    – Quels frères?!
    – Lorsque les Dragons de l’Origine naquirent, d’autres êtres d’ombre firent leur apparition également pour équilibrer la lumière que vous apportiez à ce monde. Ils furent contenus dans les abysses de notre planète, vous laissant ainsi prospérer et profiter de ces terres fertiles. Mais à présent, le temps est venu de restaurer l’équilibre, et leur permettre également de connaître la prospérité à laquelle vous avez goûté en Lungora. C’est à leur tour de dominer, et de prouver leur valeur.
    – … Tu vas donc sacrifier tout ce que tu as créé pour l’équilibre?
    – Vous ne méritez pas plus de vivre qu’eux.
    – … Tu en es le seul juge. Toutefois, j’ai fait une promesse. Je n’abandonnerai pas les miens. Je ne te laisserai pas simplement les balayer de nos terres. Je me sacrifierai en leur nom.
    – Tu n’as pas ce droit, dragon.
    – Peu m’importe les conséquences. Que mon âme rejoigne nos « frères ». Laisse-leur une chance de coexister avec ces Démons. S’ils existent vraiment, je suis convaincu que mes enfants seront capables de guider les peuples de Lungora vers la paix et la médiation le moment venu. Tu n’auras ainsi plus à choisir qui doit vivre ou mourir. Laisse-leur une chance de te prouver qu’ils sont capables de coexister en paix.
    – Ton idéalisme est réellement sans limite.
    – C’est ce même idéalisme qui a permis la prospérité de toutes les espèces qui se dressent sous tes yeux.
    …Soit. Dans ce cas… J’admirerai le spectacle que présenteront tes enfants avec grand intérêt. En échange… Tu connaîtras le même destin que les Sentinelles.
    – Les Sentinelles?
    – Le moment viendra où l’équilibre se fera de lui-même. C’est inévitable. Quand les Ombres de Xul’Thora se dresseront sur ce monde, toi, tu les dirigeras. Toi, tu les rejoindras et tu les commanderas contre les tiens. Tu seras alors le Prince des Ténèbres.
    – … Soit. Permets-moi au moins de leur laisser un dernier cadeau d’adieu.
    – Fais vite. Ne leur dis rien de tout ce que je t’ai appris. Ou tous disparaîtront. »

     

      X – Le Réveil de Lungora

     

    A son réveil, Shinari vit tous les Réfugiés évanouis. Ils se réveillaient l’un après l’autre. Quant elle eut reprit totalement ses esprits, des débris de Saphir, de Rubis, d’Emeraude, et de Diamant tombaient du ciel, comme une pluie douce et légère. Les reflets du soleil formaient un arc-en-ciel, un ciel des quatre couleurs qui se reflétaient partout. Chaque débris qui touchait le sol y faisait repousser une plante. Les forêts renaissaient, les montagnes revivaient, les plages ressuscitaient, la Mana reprenait possession de ses terres. Ces débris sont ce qu’il reste de l’âme originelle de Ryukun. Il est parvenu à matérialiser son âme, grâce à la volonté de protéger ceux qu’il aimait, et a ainsi détruit ce qui aurait pu causer la fin de ce monde…

    Pour qu’encore et toujours ses amis puissent sourire, pour que toujours il puisse voir le soleil se refléter dans les yeux pétillants de vie de chacun de ses amis, pour qu’encore pour longtemps, ils puissent vivre avec ceux et celles pour qui ils comptent…

    Pour tous les liens qui se sont créés sous ses yeux, Ryukun a décidé de se sacrifier pour ce en quoi il a toujours cru…

    L’Amour.

    Quelques instants plus tard, lorsque le ciel se dégageait, Shinari lèva le regard, avec le maigre espoir de voir une dernière fois cette silhouette revenir vers elle, ouvrant majestueusement ses ailes devant le soleil. Elle contempla les nuages et l’absence totale de quelque forme. Jusqu’à cet instant où elle vit un Dragon noir, qui semblait voler à toute vitesse le plus loin possible.
    Elle receuilla entre ses mains un fragment de diamant, dans lequel elle perçut la faible voix de son ami.

    « – Shinari… Vous êtes saufs. Je pars pour un long voyage. Si nos chemins devaient venir à se recroiser, je ne serai plus le même. Je ne me souviendrais probablement d’aucun d’entre vous. Ne me cherchez pas. Si je devais un jour vous trouver, fuyez. Je vais partir aussi loin de vous que possible. Je… Je compte sur toi pour guider tous les jeunes peuples de Lungora vers la paix et l’harmonie en mon absence. Adieu, mon amie… »

    Elle serra le fragment contre son coeur, en laissant couler une larme, avant de réaliser que la voix fébrile de son ami continuait de prononcer encore et encore ces même mots à chaque fois qu’elle laissait couler une larme sur le fragment. Elle le rangea dans sa sacoche de fortune, et depuis ce jour, elle jura d’accompagner tous les enfants de Ryukun.

    Les quelques Dragons de l’Origine restants s’en voulaient tellement de n’avoir rien pu faire pour aider leur frère qu’ils s’en retournèrent et s’isolèrent chacun dans un milieu, leur milieu favori, privés de leurs enfants. Ils y étudièrent auprès des humains les éléments, afin de les contrôler et que jamais plus ils ne puissent ainsi se retourner contre eux, donnant lieu à la construction de dizaines de temples à travers Lungora, dédiés à l’étude de tel ou tel élément.

    Un immense mur de runes apparut aux frontières du territoire connu des dragons à l’ouest pour repousser les armées de démons, finalement tenus à bonne distance du mur par la magie des Elfes Varnael voisins puis définitivement scellés par un ordre légendaire appelé les « Chasseurs de Démons », venus des Abysses d’Alghanon et d’Orvenui. Derrière ce mur de runes fût par la suite érigé en souvenir de son sacrifice, et afin de prévenir l’affaiblissement éventuel des runes, Le Rempart des Mille-Runes, une immense muraille qui divise le continent au-delà de Lungora, que les autres peuples appelleront, en conséquence, à tort, Runegora.

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